Mardi 14 février 2 14 /02 /Fév 13:04
C'était en avril 1983. J'avais trente-trois ans. Celles et ceux qui ont de la mémoire attesteront qu'il faisait déjà assez chaud dans le nord de la France. C'était le cas après notre retour de Menton. Pendant, je n'en sais rien. Ma femme, ma fille et moi, allions en vacances. C'était la seule fois où nous partions aussi loin, pour une durée que je ne parviens plus à mesurer. Nous prenions le train de nuit à Paris, un autre avant jusqu'à la capitale. Je ne dormais pas durant le voyage à cause de la grippe. Cela commençait mal.

Au petit matin, un employé de la SNCF passa dans les cabines replier les couchettes en banquettes. Une lumière crue traversait les vitres, hachée par le paysage qui défilait. Ma femme m'avait fait lever et attendre avec elle et notre fille dans le couloir. C'était bien trop avant, pour un homme qui ne tenait pas sur ses jambes au point de s'évanouir ou de rendre, que l'homme n'arrivât à notre cabine. Je le voyais entrer et sortir des cabines au bout du wagon en s'approchant. Je pestais intérieurement contre lui. Ma femme m'avait envoyé aux toilettes me rafraîchir le visage. J'y avais oublié ma montre : Une engueulade. C'était la deuxième fois. Elle avait déjà rouspété parce que j'aurais fait tinter du métal toute la nuit sur l'échelle qui permettait d'accéder à la couchette du haut. C'était le zip d'un blouson accroché là, le mien je crois.

Bizarrement, tout cela ne fait pas un mauvais souvenir parce qu'il y a le reste qui, par contraste, ne paraîtrait pas aussi heureux sans cet ombre. La lumière fut avec la méditerranée : Vaste surface ridée, bleue, qui surgit de derrière les immeubles qui me semblèrent laids. Le ciel était d'azur, le soleil, d'une blancheur aveuglante, et l'air, d'une pureté revigorante. Le train venait d'avoir fini de descendre et alla vers la droite maintenant, comme aurait dit un écolier. Nous étions assis sur les banquettes repliées. Nous étions six, sûrement, dont une jeune femme qui ne serait pas l'héroïne de mes souvenirs quoiqu'elle fut belle lorsqu'elle me tendit la moitié de sa canette rouge à vague blanche. Au fait, je me souviens qu'elle avait enfilé sa chemise de nuit sous les couvertures, la veille, au couché, dans l'obscurité, mais cela n'avait rien d'émouvant. C'était peut-être étonnant, mais j'eus comme un retour de forme miraculeux. La porte du train qui s'ouvrit, les cris, les précipitations, le haut-parleur incompréhensible, l'accent, l'air du dehors, du sud.

La suite s'écoule à grande vitesse sur ma bobine. Mon esprit était sans doute en suspension. Ma mémoire avait réduit cela à quelques impressions. J'avais grande hâte d'aller me reposer à l'hôtel. Ma femme me rassurait ainsi. Elle, ma fille et moi étions à l'étroit sur la banquette arrière du taxi. Cela a du être ainsi. La frontière italienne est à deux cents mètres, dit le chauffeur. Je me souviens uniquement des Alpes qui se détachait d'un ciel bleu intense, profond et vibrant. D'un bleu qui peut-être celui d'un enfer ou celui d'un paradis. Je passais de l'un à l'autre.

Nous logions dans un hôtel de Menton, sur la côte méditerranéenne, à la frontière italienne. Celles et ceux qui connaissent l'endroit reconnaîtront l'hôtel restaurant Paris-Rome, sa cour intérieur, la fontaine sur l'avenue qui menait à la douane, qui n'existe plus maintenant. Des ruelles étroites aux nombreuses et longues marches permettaient de rejoindre un parc perché au-dessus de la mer, très beau mais très flou dans ma tête. Un petit train nous servait à visiter la région. Tiens, je me souviens maintenant d'un gamin qui s'amusait, sans vraiment le faire, à écouter le rail comme les Indiens le feraient, et du contrôleur qu'on ne voyait jamais.

Il s'écoulait un certain nombre de jours, je ne sais plus combien, avant de rencontrer celle qui ferait l'objet de ce récit. Il faut dire que je dormais bien. À cause de l'air de la mer, pour moi celle-ci en est une, la Méditerranée, une mer caressante.  Il y avait aussi le médicament qui combattait le virus au point de me clouer au lit le matin. Nous prenions le petit-déjeuner dans le restaurant qui donnait sur l'avenue. Là, beaucoup de natifs doivent reconnaître. Mes femmes m'y traînaient par le bras. J'hésitais à prendre la petite graine rouge ou orange.

Donc, je ne sais plus si c'était avant ou après Monaco, infréquentable, à part le jardin botanique; en Italie, San Remo et Vintimille. De l'Italie, je ne me souviens que du bus et d'un italien, mon voisin de banquette.

-Vous êtes dé quelle ville ?
-Beauvais...

Je doute que cela lui eût dit quelque chose. Les douaniers montèrent dans le bus pour vérifier les identités. J'ouvris mes mains vides, bêtement. Ma femme m'avait encore monté un sal coup : elle avait gardé ma carte d'identité. Elle le montra, en l'air, au douanier. Là bas, même les forces de l'ordre sont bien habillées : casquette à visière, uniforme "juste au corps", lanières blanches, et le nom : Carabinieri. J'ai toujours eu un grand respect pour les Carabinieri, depuis ce jour là surtout. Je plaisante. N'empêche que je ne frimais pas...

Passons. La suite est vrai mais brumeux dans mon esprit. Disons que, dans cet ordre, l'histoire semblera plus intéressante. Un jour, l'employé de l'hôtel, je ne me souviens que de lui, changeait les serrures des portes de chambre.  Désormais, les portes du couloir, qui longeait la cour intérieure, ainsi que celles des chambres pourraient s'ouvrir avec la même clé... Qu'est-ce que je raconte ? Non, ouvrir toutes les chambres avec une clé... Ce n'est pas cela. Il faut que je vous dise, il y avait aussi une sorte de salle de jeux au-dessus du restaurant, au départ du couloir.

Ce ne sera donc pas une histoire de clés, une bonne idée de récit, mais de rapidité. Je vous explique. C'était au dîné, toujours au restaurant. La femme que vous attendez mangeait à la table d'en face. Je me souviens. C'était dans la rangée de droite en entrant depuis la rue. Elle était plus au fond que nous, moi en face d'elle. Ma fille et ma femme à ma droite, nez à nez. Là, je ne sais plus si c'était la grande ou la petite qui me côtoyait ! C'était la première fois que je voyais une femme seule. Je veux dire une femme qui semblait libre, sans attache, une célibataire. Elle me sourit. Elle devait ne pas avoir d'enfant.

J'avais des photos de moi de cette époque, elles avaient été prises pour orner ma carte d'identité. Je dis cela car j'y étais mignon. Plus tard, une collègue de travail me le dit, au passé, comme ici, un peu froissé. J'avais trente-huit ans. Je n'avais pas encore changé ma carte. Elles sont maintenant petites, infalsifiables et laides, comme mes photos (je parle des cartes d'identité, pas des collègues de travail.) Une fois, mon idiote de femme m'avait coiffé la mèche à contre-sens et ne manquait pas de se moquer de moi quand nous retombions sur le cliché. Dernièrement, j'ai voulu me faire photographier avec un air ombragé - j'ai le regard perçant - rien à faire : J'avais un pull noir, ma barbe avait un jour, et l'éclairage du photomaton tombait. Résultat : un tueur.

Tout cela pour dire que l'inconnue de Menton me trouvait certainement à son goût et c'était peut-être la première. Elle me sourit. Je lui souris. J'étais timide mais je tentais de la séduire, cela revenait à ça et c'était peut-être efficace, malgré moi. Elle me taquinait, peut-être.

Je disais que mon histoire était une question de vitesse. Explication. À la fin du dîné, la femme et nous rejoignîmes nos chambres. Elle, et mes femmes empruntèrent le couloir. Moi qui appréciais l'air du soir, pour toutes les raisons que je vous ai livrées, traversais la courette. Il me vint à l'idée de jouer au détective et de la trouver à entrer dans sa chambre que je soupçonnais être au-delà de l'angle droit, à gauche de notre porte. Donc je courus et grimpai les marches, quatre à quatre, de l'escalier qui relie la cour aux chambres. Quand j'arrivai à ma porte, j'entendis une autre claquée, l'autre porte, celle de la femme. J'en était sûr.

Quelques jours plus tard, mon épouse, ma fille et moi avions beaucoup marchés. Ma grippe s'était bien estompée mais une journée de repos à l'hôtel me ferait du bien. Je gardai donc la chambre. Les cimetières et les églises que ma femme aiment bien visiter ne me disent rien. Ma chambre était un peu étroite. Je revenais de la plage, mal au crâne, trop de soleil. J'étais au bout du couloir quand j'aperçus la femme près de ma porte. Elle allait vers la sienne. Elle avait une allure très féminine, les jambes fines perchées sur de hauts talons, une jupe ample. Je me précipitai vers elle pour une raison indéfinie. Je me retrouvai  à l'entrée de sa chambre. Je crus entendre "entrez" La pièce, deux murs contigus couleur bordeaux, les deux autres, fleuries. La mienne était bleue. Elle s'assit sur le lit, devant moi. Je tournais le dos à la courette. Les persiennes filtraient la lumière du dehors en rayons traversés de poussières. J'avais un pull sans manche, une chemisette à grille rouge et un jean. Elle portait un ensemble de couleur rouille. J'entendis pour la première fois les bruits de l'avenue.

À partir de là, je ne savais plus ce qui me guidait. Dans la peine-ombre, j'avançai sur le côté droit du lit, puis je me tournai vers elle. Je posai ma main sur son épaule. Elle tourna sa tête, incrédule. Sa main vint sur la mienne. Je ne sais pas si elle voulait l'enlever. Mon regard était attiré sur sa nuque. Ses cheveux bruns étaient regroupés par un chignon qui laissait néanmoins pendre deux mèches qui encadraient son visage. J'étais obsédé par la tige mobile du zip. Mon autre main pinça le curseur de la fermeture de son corsage. Timidement, quelques crochets cédèrent avec un bruit de verrou interdit. Un centimètre, deux, quatre, puis le curseur libéra l'autre pan du vêtement, irréparable.

Je rejoignis le centre de la pièce, les joues chaudes. Sa main, celle qui couvrait la mienne, tenait l'étoffe sur sa poitrine. Son autre main prit la manche opposé. Elle attendit, jugea la situation. Ses bras se croisèrent. Elle tira sur son corsage qui descendit, un peu, des épaules. Je découvris son soutien-gorge blanc, cousu sur le pourtour d'une fantaisie. Elle sortit définitivement ses mains des manches et s'appuya dessus, le cou enfoncé entre ses épaules. Elle se coucha en remontant sa jupe et, sans me regarder, fixant le plafond, elle ouvrit ses cuisses. Les pieds remontés sur le lit, elle glissa sa main dans son slip, caressa sa toison, sa fente humide. Je suppose que c'était pour ne pas qu'elle se redresse et me voit qu'elle arracha son slip, heureusement fragile. Ses doigts écartèrent les lèvres imbibées de désir. Elle resta un moment ainsi en tournant sa tête sur le côté, les yeux fermés. Elle sembla dire que c'était le moment ou jamais, un ordre.

Je m'exécuta. A une vitesse folle, je débouclai ma ceinture, déboutonnai ma braguette, libérai mon sexe bien dur. J'hésitai ensuite à m'approcher. L'inconnu leva son sourcil d'impatiente. Allons-y. Je posai mes genoux sur le bord du lit, entre les siens, mon poing à la droite de sa poitrine, pris mon sexe et sondai l'entrée du sien. J'y fus. Je poussai. Elle souleva sa poitrine en ouvrant grandement sa bouche, sans ouvrir les yeux, fronçant ses sourcils. J'avais un peu honte. Je pressais ses seins dans mes mains, suçais ses tétons. Elle avait les bras en croix. J'allais bientôt jouir. Elle se mordait les lèvres sans me regarder. Je me libérai sur ses cuisses. Je ne pus faire autrement. Je ne connaissais pas le son de sa voix.

Dans le train du retour, cherchant quelque chose dans ma poche, je sentis au bout de mes doigts le tranchant irritant d'un papier plié en quatre.

"Cher Benoît, je connais votre prénom parce que votre femme me l'a dit. Votre histoire n'est pas un délire. Ce que vous ne savez pas, c'est que vous vous êtes évanoui. J'ai crié. Votre femme est venue. La mémoire vous reviendra bientôt, je le sais.
Malgré nos tenues, elle n'a rien dit. Je crois qu'elle a deviné, voir l'espérait. C'est grâce à vous que j'ai pu ne pas retourner avec mon mari que je venais de quitter. C'est à cause de cela que je vous écris. Je crois que vous devriez lui parler. Vous êtes un homme maintenant

Carla Boticelli. "
Par Maximilien Licenz - Publié dans : maxlicenz
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