La boîte noireCandidate à la dégradation publique.Je voulais une candidate qui, même si elle s'attendait à la violence de la scène, accepterait de ne pas connaître la teneur. La surprise devait faire partie de ses fantasmes. Elle savait qu'il y aurait des caméras, d'autres acteurs et des témoins, c'est tout. Ce serait d'autant plus brutale que les soins préalables seraient poussés.
Pour venir dans la demeure, nous étions allés chercher ma recrue à la gare et, une fois montée dans la voiture, nous avions recouvert sa tête avec un sac noir et l'avions couchée sur nos cuisses. Une quinzaine de kilomètres nous séparait du lieu de tournage.
Elle était encore masquée quand nous l'avions vêtue puis, les yeux scotchés, nous l'avions coiffée. Pour la maquillée, mon assistante procédait œil par œil, en décollant au minimum puis en faisant vite, puisque je tenais à exagérer le coloriage. La candidate était de nouveau masquée avant de la faire asseoir, de l'attacher, et de mettre la boîte sur sa tête.
Une maquilleuse se chargerait de rendre ma recrue belle, sans cependant la prévenir que ce serait à la fois chargé et fragile. Une habilleuse aurait fait le tour des boutiques afin d'acheter les habits les plus sophistiqués et les bijoux les plus nombreux.
Par bonheur, ma candidate se révéla un peu myope, je ne sais pourquoi cette impression de satisfaction. J'ai calculé les dépenses au plus juste selon ce que me rapportaient habituellement mes vidéos.
Une coiffeuse faisait également partie de mon équipe. Selon mes désirs, elle transformerait la coiffure de la blonde en quelque chose d'exigeant et de recherché. J'avais en tête une espèce de tresse qui longerait l'axe du crâne, en remontant. Les boucles d'oreille, perles et breloques or, seraient visibles. Des pavillons partiraient les branches des lunettes, brillantes et travaillées. Un catogan était nécessaire pour tenir la coiffure, peu importe, mieux même. Autour du cou, sur la poitrine décolletée, ma candidate porterait son collier, une triple rangée de perles. Le tailleur serait bleu marine, plus sombre, avec de fines rayures claires, les manches du corsage fleurissant sur les poignées, d'on l'un entouré d'un bracelet de perles assorti. Ma recrue avait une belle montre dorée, montée sur un anneau. L'ensemble de la tenue, bien coupée, s'accorderait à merveille avec des escarpins féminins.
La partie masculine de mon équipe était constituée d'un cadreur, d'un éclairagiste et d'un ingénieur du son. Au premier, je lui ai demandé si le moindre reflet jaillissait de l'image. Au second, la même chose, avec un peu d'ombre, de contraste, mais qu'on voit tout sans brutalité. Au dernier, je voulais que le moindre soupir put être perçu sans pour autant être agressé par les bruits soudains.
Pendant la préparation de ma candidate avec mes trois assistantes, nous avons pratiqué tous les essais précédemment cités. Il a fallu également bien choisir la chaise. Elle devait être adaptée à recevoir une femme ficelée. Les poignées seraient entourées et saucissonnées avec les bras dans le dos. Les jambes le seraient sur les pieds du meuble jusqu'en haut.
Le plus important, le point de départ de mon projet, la boîte. C'était un cube noir et feutré, percé de part et d'autre, et ouvert pour accueillir l'œil de la caméra. Une tige montée sur pied et coudée le maintiendrait sur les épaules de ma recrue. Sans qu'elle soit prévenue, sans qu'elle puisse bouger et voir autre chose que l'objectif, des hommes qu'elle n'aurait en aucune circonstance aperçus viendraient les uns après les autres, au dernier moment éjaculer sur son visage. Avant cela, on l'aurait fait attendre un peu, même que tous aurions pris l'air dehors pendant une demie-heure.
Pendant la scène, je veillerai à qu'aucun rythme s'impose. L'une des hommes attendrait une dizaine des minutes, d'autres moins ou pas. J'ai bien choisi mes comédiens, il n'est pas nécessaire de voir leurs sexes pour qu'ils jouissent là où il faut. Pour ma candidate, rien ne la préviendra avant qu'un jet ne s'abatte sur elle. Si tout se passe bien comme je l'espérais, le maquillage ne tiendra pas, la coiffure sophistiquée et les bijoux, la tenue, onéreux seraient englués.
Le bouquet final, et j'avais recruté une exhibitionniste en ce sens, serait de la faire aller et venir dehors, dans la rue. L'habilleuse, tout en noir, ôterait la boîte et déplacerait son pied, la pièce plongée dans l'obscurité. Ma candidate serait, à ce moment là, un peu éblouie par un éclairage supplémentaire. Il n'y aurait personne d'autre dans la pièce, la caméra tournerait toute seule depuis presque deux heures.
Quand l'habilleuse, sans faire savoir que c'était elle, lâcha ma recrue dans la rue, en ouvrant la portière, la faisait se redresser et sortir, elle était en milieu inconnu. Mon assistante lui aurait dit de faire le tour d'un pâté de maison, là où la voiture l'attendrait. Jusque là, quelques petites caméras numériques la filmeraient, le visage gélifié et dégoulinant, errant sur deux cent mètres.
Montée à bord, je serais là avec les autres dans un monospace, ma recrue se verrait proposer une serviette et respirerait à grands coups, le cœur battant la chamade et folle de joie.
Totalement satisfait, au lieu de la renvoyer à la gare, sans avoir rien vu ou presque, je lui ai montré la demeure et notre installation. L'idée me vint de lui faire commenter tout le filme dont elle était la vedette. Elle a refusé de voir les comédiens et elle m'a épousé.